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vendredi 11 août 2017

LE "JEU DU POULET" À SAINT-PÉE-SUR-NIVELLE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1926

"OILACHKO JOKOA" OU LE "JEU DU POULET" À SAINT-PÉE-SUR-NIVELLE (SENPERE) (EN LABOURD) EN 1926.


Dans les fêtes de village, au Pays Basque d'Antan, existaient des jeux aujourd'hui disparus.


C'est le cas du jeu du poulet (Oilachko Jokoa) qui se passait à Saint-Pée-Sur-Nivelle.



pays basque autrefois
AMOTZ SAINT PEE SUR NIVELLE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce qu'en rapporte la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque dans son édition 

du 31 mai 1926 :

"Il peut paraître presque superflu de constater le goût très vif qu'ont les Basques pour le "Jeu" dans le meilleur sens de ce mot, à savoir : une activité désintéressée qui comporte en soi-même son plaisir. Qu'un aussi petit peuple ait, depuis des temps reculés, consacré une si large part de son génie à des divertissements, c'est ce dont il est impossible de ne pas être frappé. 


De ces divertissements, certains sont célèbres : les Jeux de Pelote. 


D’autres, tels que le théâtre de la Soule, les cavalcades charivariques de la Basse-Navarre, ont attiré depuis longtemps l’attention des érudits. Nul n’ignore les études que leur consacre depuis vingt ans M. Hérelle ; études que l'on peut sans exagération qualifier de définitives. 


pays basque 1900
CHARIVARI SAINT PEE SUR NIVELLE LABOURD
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les danses basques, quoi que bien connues, ont été moins rigoureusement étudiées, puisque le seul ouvrage d'ensemble qui les décrive est celui d'Iztueta, datant de 1826. 


Il existe enfin un bon nombre, d'autres divertissements que l'éclat des précédents a relégués dans l'ombre, mais qui n'en présentent pas moins un vif intérêt. 


Certains d'entre eux vivent encore, beaucoup ne sont déjà plus que des souvenirs ; il importe donc grandement de fixer avec précision la physionomie de ceux qui mourront bientôt. 


Tels de ces jeux sont essentiellement sportifs et purement athlétiques : la palanka, le kali, etc...

 
pays basque autrefois
PALANKA A TARDETS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Tels autres, très différents sont uniquement des jeux d'adresse, exécutés d’une manière collective et avec une mise en scène toute particulière. 


Nous, connaissons deux de ces derniers :


  •  1) Le " Jeu de l'Oie" encore assez souvent donné (dans le Labourd, tout au moins) à 
l’occasion des fêtes locales".



pays basque autrefois
JEU DE L'OIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

  • 2) Le "Jeu de Poulet" (en basque Oilachko Jokoa beaucoup plus rare déjà, plus original 
aussi, semble-t-il. C'est à la fois un jeu et un ballet. Nous avons eu la chance de le voir exécuter en 1923 (le deuxième jour de la fête locale d'Amotz qui a lieu le dimanche qui suit la Sainte-Madeleine). C'est ainsi que nous pouvons aujourd’hui en présenter une description sûrement imparfaite, mais qui pourra, ultérieurement, être complétée. 


A Saint-Pée-sur-Nivelle, sur la place du quartier d’Amotz. en une finissante après-midi de juillet. 


Le soleil, encore haut, crible de son ardeur le mur arrondi du fronton, les larges platanes au feuillage étalé devant le seuil  de la petite auberge jaune, la poussière sur la route blanche qu’anime en ce jour de fête une foule bigarrée... 


Blancs et rouges, une douzaine de jeunes gens vêtus en danseurs, escortés de deux musiciens, traversent un instant la cohue et s’éloignent au détour d'un chemin. Ils vont chercher leurs compagnes qui, réunies dans une maison voisine, sont en train, elles aussi, de se parer, comme il sied en la circonstance. 


C'est à ce moment qu'on édifie en hâte, la mise en scène du jeu. 


Sur l'herbe rase de la place, est posée une large caisse basse dissimulée tant bien que mal par une étoffe de couleur voyante. Sur ce piédestal, deux chaises, recouvertes d’un velours cramoisi, achèvent de constituer un trône d’une toute naïve somptuosité. 


Deux pieds de bambou, enfoncés dans la terre à droite et à gauche du trône, sont réunis  à leur sommet par un menu drapeau tricolore palpitant arc de verdure. 


Une petite caisse sans couvercle est percée dans son fond, d'un trou qui mesure environ trois centimètres de diamètre. Par l'étroite ouverture, on enfile, sans trop de ménagements, le cou d’un poulet vivant, de telle sorte que le corps de la malheureuse volaille reste dans la caisse, la tète seule dépassant la paroi extérieure. Le tout est posé sur le sol à deux ou trois mètres devant le trône.


Les préparatifs sont achevés.



pays basque 1900
IBARRON SAINT PEE SUR NIVELLE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Là-bas, loin vers la mer, le soleil descend. Et l'ombre tranquille des collines rondes qui sont au courant s’allonge peu à peu sur la petite fête bruyante... 


Au son d’une musique sautillante, apparaissent alors les acteurs du jeu. Ils forment un cortège qui s’avance dans l’ordre suivant : 

  • 1) Les deux musiciens (une clarinette et un cornet à piston, si nos souvenirs sont exacts) ; 


  • 2) Le Roi donnant le bras à la Reine. Le roi est vêtu d'un pantalon de toile blanche, 
d'une veste de drap rouge ornée de boutons en métal et de rubans verts. Il est coiffé d’un béret 

rouge à résille d’or, armé d’un grand sabre, et muni d’un petit bouquet en guise de sceptre ! 

La Reine est vêtue d’une robe blanche à longue traîne. Un diadème en fausses perles orne ses 

cheveux. Elle sourit avec une gravité conventionnelle ; 


  • 3) Une suivante porte la traîne de la Reine ; elle donne le bras à un jeune homme. Tous 
deux sont costumés de manière identique à celle des danseurs ; 


  • 4) Les danseurs sont au nombre d’une dizaine de couples. Ils sont uniformément habillés 
de blanc. 

Les jeunes filles portent, autour de la tête un mince ruban écarlate (innovation récente probablement, et un autre ruban beaucoup plus large noué en ceinture autour de la taille. Les jeunes gens ont le gerikoa pourpre, un liséré tricolore sur la coulure du pantalon, le béret rouge garni d’un pompon. 

Un jeune homme n’a pas de cavalière (nous verrons plus loin, quel est  son rôle). 


  • 5) Deux personnages burlesques sortes de fous habillés de défroques à bandes verticales 
jaunes et rouges, alternées. L’un d'eux, affublé d’une gigantesque fausse barbe et traînant une vieille épée à sa ceinture, monte un minuscule âne gris. L’autre, qui conduit l’animal par un licol, porte sous son bras un gros registre. 



pays basque 1900
PLACE DU MARCHE DES DAMES ET RUE ST PIERRE
SAINT PEE SUR NIVELLE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces bouffons rappellent beaucoup les personnages analogues qui figurent dans les parades charivariques de la vallée de la Nive. Ici, leur rôle consiste principalement à refouler sans cesse les spectateurs pour maintenir, dans une faible mesure, l'espace libre nécessaire au jeu. 


Le Roi et  la Reine s'installent sur le trône. A leurs pieds s’assoient la suivante et son compagnon. 


A gauche, au niveau de la caisse du poulet, se place celui des jeunes gens qui n'a pas de cavalière. Sa main droite tient un sabre ; sur son bras gauche est posée une belle serviette bien propre et soigneusement pliée.


Les musiciens juchés sur une petite estrade, commencent à jouer.


Et, du fond de la place, où ils se sont placés, les danseurs, par couple, s'avancent à la file.


Chaque jeune fille tient par la main gauche la main gauche de son cavalier, et tous deux exécutent un pas, jadis peut-être plus savant et harmonieux, mais, aujourd'hui, assez banal.


Les danseurs arrivent ainsi devant les pseudo-souverains puis tournent plusieurs fois autour du poulet qui, lui, contemple cette cérémonie avec une inquiétude justifiée.


Soudain, la musique se tait.


Alors, le porteur du sabre, abaissant son arme, la tend à celle des danseuses qui se trouve arrêtée devant lui. Galamment aidée par son cavalier, celle-ci s'agenouille sur un petit coussin, face au poulet.


Musique...


pays basque 1900
RUE SAINT PIERRE A SAINT PEE SUR NIVELLE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Gravement, hiératiquement, paraissant accomplir un rite, avec des gestes d'une grâce infinie, lève son sabre et, un instant le balance en cadence au-dessus de l'infortuné volatile. Puis, comme expire la dernière note de la phrase musicale, elle étend le bras, et, d'un geste brusque, fauche le cou de la victime !


Le sabre étant imparfaitement aiguisé, et le coup généralement mal porté, le poulet ne reçoit qu'une affreuse blessure.


Aussitôt, l'exécutrice se relève, rend le sabre à son possesseur et quitte la danse au bras de son partenaire pour se rendre au fond de la place. Tous deux rentreront dans le jeu seulement lorsque tous les autres couples les auront successivement rejoint.


Le sabre est soigneusement essuyé, la danse reprend, et le divertissement se répète exactement pareil. Tour à tour chacune des jeunes filles (ce sont toujours elles qui manient le sabre), fait montre d'une adresse plus ou moins grande : l'une fend l'air, l'autre frappe la caisse, une troisième atteint à peu près le but.


A la fin (c'est parfois au dixième ou au vingtième coup de sabre) la tête du poulet se détache. Immédiatement, on remplace l'animal par une autre volaille.


Et, dans le soir tombant, la fête continue longtemps, longtemps, jusqu'à ce qu'une douzaine de poulets aient été décapités.


Prestement saignées et plumées, les volailles sont rôties le lendemain et constituent la pièce de résistance d'un banquet qui réunit tous les acteurs du jeu."



pays basque 1900
RUINES CHÂTEAU SAINT PEE SUR NIVELLE
PAYS BASQUE D'ANTAN



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