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mercredi 17 janvier 2018

VOYAGE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN 1882


VOYAGE EN SOULE EN 1882.


La Soule a été pendant longtemps une destination privilégiée des touristes et des journalistes.

pays basque autrefois
LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que raconte le journal Le Soleil, dans son édition du 7 septembre 1882 :

"Un peu de tout.


La vie de Montagne.


Le deuxième volume des Pyrénées françaises vient de paraître ; il est signé d’un nom bien connu de nos lecteurs, celui de Paul Perret. Nous extrayons de ce bel ouvrage le chapitre suivant : 


"Larrau est juché sur une sorte de plateau, entre la forêt des pics. Toutes sortes de projets ont été conçus et même présentés au conseil général du département pour mettre ce nid d’aigle en communication avec le monde ; mais voilà ! le climat à Larrau est intermittent. Après trois hivers sans frimas, les habitants ont cessé de considérer la nécessité d’un chemin et ne réclament plus ; le quatrième hiver, ils demeurent trois mois sous la neige, car cette haute terrasse la retient ; alors ils gémissent. Mais bast ! les choses recommenceront d’aller comme elles vont depuis un siècle. Larrau n’a pas de chemin, c’est entendu ; Larrau n’en est pas moins un lieu de passage, puisque tout près est le "port"», qui a le même nom que la bourgade — à moins qu’on n’y préfère le nom basque, — Marinalichona ; — il n’a que quatre syllabes de plus. C'est là qu’on entre en Espagne. — La rue principale de Larrau est précisément encombrée par plus de cent mules que mènent vingt muletiers ; — bêtes et gens, tous espagnols. 



EUSKAL HERRIA LEHEN
LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il n’est pas aisé de se frayer la route à travers cette cohue de quadrupèdes et de bipèdes ; cependant il le faut pour arriver à l’église. Un ruisseau traverse le village ; sur le petit pont à franchir, voici un nouvel encombrement; tous les porcs de Larrau s’y seraient-ils donné rendez-vous ! Ils sont propres et souvent coquets, les villages basques, même à cette hauteur dans la montagne, et l'on n’y laisse pas moins vaguer les pourceaux. Chose horrible à dire ! on a été obligé cependant de prendre des précautions contre eux pour les morts. La faible barrière qui défend l’entrée du cimetière est précédée d’une grille posée à plat sur un fossé. Si la bête immonde approche, elle s’engage les pieds entre les barreaux : la voilà prise. Ne dites point que les petits enfants peuvent aussi bien s’y casser les jambes ! On n’a pas songé aux enfants. 


L’église est neuve et pourtant vieille. La paroisse de Larrau paraît remonter au onzième siècle. Le premier édifice religieux ne fut qu’une chapelle, succursale apparemment de cette grande abbaye de Sauvelade dont j’ai déjà parlé. Les abbés de Sauvelade ont été seigneurs de tout ce pays jusqu'à la Révolution. L’église du village fut agrandie au dix-septième siècle par l’abbé Boyer, ainsi qu’en fait foi une curieuse inscription gravée sur la muraille. 



PAYS BASQUE AVANT
LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

En 1854, l’église de Larrau a été restaurée sous la direction de M. l’abbé Onnaïnty, curé actuel de la paroisse. On n’a conservé de l’ancien édifice qu’une voûte assez belle, et l’on a ajouté au monument rajeuni deux élégantes chapelles latérales. Un joli clocher monté sur un porche a été construit en 1873. L’intérieur de l’église, bien que Larrau soit en pleine Soule, n’offre point la disposition des sanctuaires basques. Pas de tribunes ; et dans la nef, une centaine de prie-Dieu rangés. Si l’on juge de la piété des paroissiens par le curieux état d’usure où sont ces prie-Dieu, il faut qu’elle soit vive.


Les gens de Larrau vivent sur leur cime comme des gens de mer sur le pont de leur navire. Nous nous en étions bien doutés en consultant nos cartes, et en choisissant pour centre d’excursion ce coin perdu du pays. Nous avions voulu voir la vraie vie de montagne.


Les personnes accoutumées à la montagne connaissent seules cette large paix des nuits, qu’on ne goûte que là. Vers le matin même, elle parait un peu triste et vide à ceux qui ont, au contraire, l’habitude de la campagne proprement dite dans les plaines et dans les vallées, surtout au bord des rivières de pays plats. A cette hauteur, on n’entend guère de chants d’oiseaux. — A l'aube, nous nous mettons en route ; nous traversons des bois ; ils sont muets. Nous allons d’abord en pèlerinage à l’ermitage de Saint-Joseph et, dans trois heures, nous aurons atteint le port de Larrau. Il est bon de penser que nous allons rencontrer l’aide d’un saint , car c’est bien Satan qui a fait ce chemin-là; il y a semé des escarpements diaboliques. Nous traversons des gorges noires, haletants de fatigue et de soif ; la chaleur est insupportable. Le sentier monte en zigzag, formant des angles aigus, dont la pointe glisse terriblement à la descente. Enfin, de grands hêtres nous rafraîchissent un peu de leur ombre; nous avons atteint le bois de Saint-Joseph. Un plateau le couronne ; la chapelle y est assise. Elle est neuve, mais reconstruite sur les assises d’un édicule primitif qui datait de 1655, comme l’église de Larrau. Le restaurateur en est également le curé actuel de la paroisse, le savant et gracieusement hospitalier abbé Onnainty. 




pays basque 1900
CHAPELLE ST JOSEPH LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN




La chapelle de Saint-Joseph n’est pas seulement lieu de pèlerinage : c’est aussi trop souvent un lieu de refuge pour les muletiers espagnols que l’orage surprend, ou pour le voyageur qui n’a pas compté avec les difficultés du chemin et qui voit venir la nuit. Du plateau où nous sommes arrivés, la vue est d’une grande beauté, surtout au nord, dans la direction de Bostmendiette (ou Bostmendi), aux cinq cônes (les cinq doigts). 



pays basque 1900
LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

En descendant du pic nous marchons dans cet éblouissement du plein midi qui noie sous sa nappe de feu les pics et la cime des forêts. Mais au pied de la chapelle nous prenons un long repos, et déjà les ombres s’allongent autour de nous et à nos pieds. Trois énormes massifs do bois enveloppent toute cette région : Iraty, Holçarté, Etchelu. La forêt d’Holçarté couronne un mont de ses sapins et de ses ifs noirs, et nous ne quitterons point Larrau sans être allés visiter la curiosité qu’elle doit nous offrir, car ce serait offenser nos hôtes. On n’est pas médiocrement fier à Larrau des crevasses d’Holçarté et  "du pont en l’air", comme ils disent. 



PAYS BASQUE AUTREFOIS
RAVIN D'HOLCARTE LARRAU - LARRAINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

La curiosité est, en effet, assez rare. Dans la forêt, au-dessus du confluent des deux Gaves d’Olhadu et de l’Arpune, coulant à une profondeur de deux cents mètres environ, entre des parois de roches verticales, les industriels qui exploitent les sapins ont suspendu un pont ait de deux énormes câbles qui servent de rails. Là passent des chariots qui portent les ouvriers ou transportent des pièces de bois. Il est inutile de vouloir passer sur le pont qui va flottant, ondulant au-dessus de l’abîme... 


C’est dans la forêt d’Holçarté que résidait naguère le Bassa-Jaon, le Seigneur Sauvage. 



"La taille du Bassa-Jaon est haute, sa force est prodigieuse, tout son corps est couvert d’un poil lisse qui ressemble à une chevelure ; il marche debout comme l'homme, un bâton à la main, et surpasse les cerfs en agilité. Le voyageur qui précipite sa marche dans le vallon, le berger qui ramène son troupeau à l’approche de l’orage s’entend-il appeler par son nom répété de colline en colline ? c’est Bassa-Jaon. Des hurlements étranges viennent-ils se laisser mêler au murmure des vents, aux gémissements sourds des bois, aux premiers éclats de la foudre ? C’est encore Bassa-Jaon. Un noir fantôme, illuminé par l’éclair rapide, se dresse-t-il au milieu des sapins, ou bien s’accroupit-il sur quelque tronc vermoulu, en écartant les longs crins à travers lesquels brillent ses yeux? Bassa-Jaon. La marche d’un être invisible se fait-elle entendre derrière vous, son pas cadencé accompagne-t-il le bruit de vos pas ? Toujours Bassa-Jaon."



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